«Pourquoi ne pas avoir fait médecine? Les soins sont quand même un métier de femme.» Lorsqu'il raconte qu'il est infirmier, Christos Bempos se heurte souvent à l'incompréhension. «Cela montre à quel point les clichés restent profondément ancrés», déplore-t-il. En effet, le métier d'infirmier est encore très souvent considéré comme une profession typiquement féminine.
Dans les faits, la proportion d'hommes dans la profession infirmière demeure inférieure à 20%. Selon l'Office fédéral de la statistique, en 2021, seuls 15,7% des nouveaux apprentis ASSC (assistants en soins et santé communautaire) étaient des hommes. Malgré les tentatives de la Confédération dès 2002, via une campagne de communication, pour attirer davantage de jeunes hommes vers les professions de la santé, le grand changement n'est pas advenu.
Après une formation ASSC en centre de santé, Christos Bempos a notamment travaillé à l'Hôpital universitaire de Zurich et dans les soins à domicile. Par la suite, il a suivi une formation en marketing et communication et occupe aujourd'hui les postes de directeur adjoint des soins du canton de Zurich, conseiller en soins et coach.
«Se tenir debout sur ses deux jambes»
Christos Bempos a débuté sa formation d'infirmier à l'âge de 17 ans dans un centre de santé de la ville de Zurich. Il souhaitait à l'origine faire des études de médecine, mais la situation financière de sa famille l'en a empêché. C'est en partie grâce à sa mère, elle-même soignante et s'occupant de sa propre mère atteinte d'un cancer, que cette voie s'est imposée à lui.
Son choix de carrière a suscité des réactions mitigées : étonnement, pitié, parfois même déception. «Tu veux vraiment nettoyer les fesses des personnes âgées?» était une question fréquente. Ou encore: «Tu es bien trop intelligent pour cela.»
Une profession dévalorisée
Ce qui l'a le plus frappé, ce ne sont pas tant les mots eux-mêmes, mais plutôt la valeur sociale sous-jacente conférée à la profession. «J'ai appris très tôt à contrer cela: par la compétence, la fierté et la confiance en ce que nous accomplissons chaque jour.»
«Les soins infirmiers doivent sortir de l'image stéréotypée «d'anges» pour s'affirmer comme un métier moderne, professionnel et assumé.» —Christos Bempos
Car les clichés ont la vie dure: les soins seraient un travail purement physique, dénué de réflexion, un travail émotionnel et féminin. Résultat: les hommes qui choisissent cette profession sont souvent considérés comme insolites ou doivent se justifier.
Bempos en est convaincu: la présence d'hommes au sein des équipes de soins est un élément sain pour la dynamique du groupe: «Il en résulte un autre flux d'énergie.» La collaboration en deviendrait alors davantage axée sur les solutions et plus pragmatique. Et c'est précisément lors du contact avec les patients masculins que le personnel soignant masculin brise plus facilement les tabous.
«Cela ne signifie pas que les hommes soignent mieux – mais qu'ils apportent d'autres perspectives», ajoute Christos Bempos.
Améliorer l'image
Attirer davantage d'hommes dans la profession infirmière requiert d'agir sur plusieurs leviers. Les institutions sont notamment tenues d'investir de manière ciblée dans le développement du personnel soignant masculin, de présenter des parcours professionnels clairs et de valoriser les modèles masculins. Pour Christos Bempos, «les cadres devraient communiquer clairement: nous avons besoin de vous, non pas en tant qu'hommes venus remplir des quotas, mais en tant que contributeurs essentiels».
«Le film En première ligne [Heldin] n'a pas non plus arrangé l'image de la profession – ou bien aimeriez-vous exercer un tel métier après l'avoir vu?»
Selon lui, la profession aurait besoin d'un rebranding complet. Les soins infirmiers doivent sortir de l'image stéréotypée «d'anges» pour s'affirmer comme un métier moderne, professionnel et assumé. «Dans des pays comme les États-Unis, les soins infirmiers sont présentés dans les médias avec fierté et force», souligne-t-il.
En revanche, une image stéréotypée persiste en Suisse : celle de femmes souriantes au chevet des patients. Les soins sont soit romantisés, soit dramatisés, soit présentés comme étant trop exigeants, mais rarement tels qu'ils sont réellement. À ce propos, Christos Bempos interroge: «Le film En première ligne [Heldin] n'a pas non plus arrangé l'image de la profession – ou bien aimeriez-vous exercer un tel métier après l'avoir vu?»
Ce qu'il faudrait, c'est un nouveau discours: les soins infirmiers comme carrière offrant des perspectives. Promouvoir un accès précoce, en particulier pour les jeunes hommes, est décisif – par exemple via des journées dédiées, des stages, des visites d'écoles ou en diffusant des contenus authentiques sur des plateformes comme TikTok et Instagram. Sans oublier une rémunération équitable.
Il plaide pour une campagne honnête et diversifiée qui montre les professions infirmières telles qu'elles sont réellement: des emplois exigeants, à haute performance, avec des responsabilités, une expertise technique, des compétences en cas de crise – et des personnes qui exercent leur travail avec passion et professionnalisme.
Les soins du futur
Quant à l'avenir des soins, Bempos y voit trois missions claires: «plus de numérique, plus de flexibilité, plus d'humanité.» Il prône davantage de coaching, de prévention, ainsi que de meilleurs salaires et avantages, notamment pour les personnes ayant des responsabilités familiales.
Il préconise également une promotion ciblée de la résilience, de l'argumentation et de l'autonomie professionnelle. Les infirmières et infirmiers devraient apprendre à communiquer d'égal à égal avec les médecins, tout en défendant avec fierté leur propre image professionnelle.