Une équipe de chercheurs de l'Inserm et de l'université de Bordeaux en France, dirigée par Emmanuel Lagarde, a mené une étude inédite sur les biais cognitifs dans le triage des patients aux urgences. En utilisant une intelligence artificielle générative, les chercheurs ont démontré comment les préjugés des soignants peuvent influencer l'évaluation de la gravité des cas médicaux.
Approche innovante
L'étude, publiée dans la revue «Proceedings of Machine Learning Research», repose sur l'analyse de 480'000 dossiers patients issus des urgences du CHU de Bordeaux entre janvier 2013 et décembre 2021. L'intelligence artificielle a été entraînée à attribuer des scores de triage en se basant sur le contenu textuel des dossiers émis par les soignants, reproduisant le processus de décision de ceux-ci. Par la suite, les dossiers ont été anonymisés afin que le modèle attribue un score «à l'aveugle».
Les résultats sont sans appel: à pathologie identique, les femmes voient la sévérité de leur état sous-évaluée dans 5% des cas, tandis que les hommes sont légèrement surclassés en termes de gravité (3,7% contre 2,9% de sous-évaluation). Ce biais est encore plus marqué lorsque le personnel infirmier en charge du triage est peu expérimenté.
Conséquences lourdes
Le triage aux urgences est une étape décisive: sous-estimer un cas peut retarder une prise en charge vitale, tandis qu'une surestimation peut conduire à une mauvaise allocation des ressources, au détriment d'autres patients. Cette étude met donc en évidence des biais systémiques susceptibles d'affecter directement la qualité des soins.
Les chercheurs prévoient d'explorer d'autres dimensions du triage aux urgences, notamment les biais liés à l'âge. De plus, l'intégration de données non verbales, comme les expressions faciales ou le ton de la voix, pourrait permettre d'affiner encore davantage les analyses.