Que nous apprend la comparaison internationale sur notre système de santé? Une étude conjointe de chercheurs suisses et britanniques offre un regard critique sur les performances de leur système respectif. Publiée dans «Swiss Medical Weekly» , elle interroge leur capacité à atteindre deux objectifs centraux: l'efficience et l'équité.
À la base de cette analyse: des rapports de l’OMS, des statistiques nationales et une revue de la littérature scientifique (peer-reviewed).
Si la Suisse a mis en place un système financé notamment par les primes d'assurance, le Royaume-Uni a opté pour un système principalement financé par l'impôt. Régis par le National Health Service (NHS), les soins y sont largement gratuits au moment de leur utilisation.
Dépenses accrues et inefficience administrative
Selon les chiffres de l’OCDE, la Suisse et le Royaume-Uni consacraient chacun 12% de leur PIB à la santé en 2021. Mais derrière cette symétrie se cache un écart majeur: cette même année, le Royaume-Uni dépensait en moyenne 5'738 dollars par habitant, contre près du double pour la Suisse – soit 10'897 dollars.
Or, des dépenses accrues ne se traduisent pas nécessairement en de meilleurs résultats. Sur ce point, les études sont contrastées: tantôt la Suisse est identifiée comme l'un des systèmes les plus efficaces, tantôt elle se trouve à la traîne. Les méthodes analytiques employées intègrent différentes composantes, mais il est un aspect qui semble freiner la Suisse dans son ascension vers le haut de l'échelle: l'efficience dans l'allocation des ressources.
De même, la concurrence entre assureurs, très présente en Suisse, élargit certes le choix pour les assurés, mais elle les incite également à recourir fréquemment à de nouveaux professionnels de leur choix. Ces fluctuations seraient à l'origine d'une hausse significative des coûts adminstratifs. Une étude positionne la Suisse à l'avant-dernière place sur 11 pays à haut revenu quant à l'efficience administrative (
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Problèmes d'accès liés aux coûts
Pour évaluer l’équité, les auteurs ont examiné l’accès aux soins, les politiques de prévention et l’engagement des patients selon leur revenu.
Sur ce plan, la Suisse affiche de sérieuses lacunes: elle apparaît dans une étude internationale comme le deuxième pays où les soins sont les moins abordables pour les patients, juste derrière les États-Unis. En 2020, 26% des personnes à faible revenu et 21% des hauts revenus rapportaient des difficultés d’accès liées au coût. À l’opposé, le Royaume-Uni se distingue comme le pays le plus abordable: seuls 12% des personnes à faible revenu et 7% des plus aisées y déclaraient un tel frein (
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Mais le Royaume-Uni n’est pas exempt de disparités. Le phénomène de la «postal lottery» illustre les inégalités géographiques: les zones les plus favorisées bénéficient de meilleures infrastructures, de délais plus courts et d’un éventail de soins plus large. Ailleurs, l’attente s’allonge et certains traitements manquent à l’appel. Il arrive même qu’un traitement soit financé dans une région, mais pas dans une autre – pour un patient aux besoins similaires.
Des disparités qui résonnent avec la réalité helvétique: l'absence de coordination efficace dans la planification hospitalière, à l’échelle des cantons et des régions, se traduirait par une répartition inégale de l’offre de soins – excès dans certaines zones, insuffisance dans d’autres.
L’autonomie cantonale expliquerait également des écarts importants en matière de primes, de subventions et de régimes fiscaux.
Quelles pistes pour l’avenir?
Les auteurs tirent une conclusion claire: la Suisse obtient de bons résultats en matière de qualité des soins et de satisfaction des patients, mais l’équité reste à améliorer.
Ils suggèrent notamment de réduire les obstacles à l’assurance complémentaire et d’introduire davantage de subventions basées sur le revenu. Un meilleur équilibre entre les programmes cantonaux et un soutien fédéral renforcé pour certaines initiatives sanitaires pourraient aussi contribuer à plus de cohérence dans l’accès aux soins.