En Suisse, l'emploi à temps partiel progresse depuis plusieurs années. En 2024, 38% des personnes actives travaillaient à temps partiel,
selon l'Office fédéral de la statistique. Chez les hommes, ce taux est passé de 15% en 2013 à 20% en 2023.
Au cœur de ce phénomène se trouvent multiples facteurs, tels que la quête d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle, en particulier pour préserver la vie de famille; de nouvelles attentes des jeunes générations; ou encore une réflexion sur les inégalités de genre, notamment dans la répartition des tâches et des rôles au sein du foyer.
Dans le domaine médical, cette tendance soulève de nombreux défis, notamment dans un contexte marqué par des pénuries de personnel soignant et par des enjeux de formation.
Les générations précédentes, habituées à des horaires extensifs, perçoivent-elles ce changement comme une simple évolution culturelle ou comme un risque pour le bon fonctionnement du système de santé? Cette solution représente-t-elle un risque pour la qualité et la continuité des soins? Comment assurer une progression de carrière, un apprentissage continu et un perfectionnement professionnel à temps partiel?
Risque ou atout?
Le temps partiel représente également un coût pour la société, notamment pour les établissements de santé. Un médecin indépendant qui réduit son temps de travail voit ses revenus diminuer, tandis que ses charges fixes (loyer, matériel médical) restent inchangées. Par ailleurs, la réduction du temps de travail des médecins en Suisse accentue la nécessité de faire appel à du personnel médical étranger pour combler les besoins, une réalité qui touche de nombreux cantons, souligne la
Société vaudoise de médecine.
Dans certains hôpitaux, le recours au temps partiel s'avère particulièrement élevé. À l'
Hôpital fribourgeois (HFR), par exemple, 31% des hommes ont choisi ce mode de travail. L’établissement affirme l’encourager auprès de ses employés, et plus de la moitié d’entre eux en bénéficient.
Le temps partiel représente-t-il une menace pour les établissements hospitaliers? «Non», affirme Corinne Cota, adjointe de la directrice des ressources humaines de l'HFR. «Nous constatons que le temps partiel offre plus de flexibilité, ce qui nous permet d'être plus agiles face aux horaires irréguliers. Proposer le temps partiel est un atout pour l'employeur, car cela renforce l'attractivité des postes et aide à lutter contre la pénurie de personnel. C'est aussi un levier pour maintenir nos collaborateurs plus longtemps en fonction.»
Choix ou contrainte?
Autre point essentiel dans la réflexion sur le temps partiel: l'accueil extrafamilial des enfants. Pour les professionnels de santé, des solutions de garde adaptées à leurs horaires irréguliers sont cruciales. Certaines organisations, à l'instar de l'HFR, proposent ainsi des places en crèche avec des horaires flexibles et à proximité de l'hôpital.
Cependant, ce type de dispositif reste rare. «Aujourd’hui, les personnes actives ayant des horaires de travail irréguliers ou atypiques ne peuvent souvent pas s’appuyer sur une solution de garde fiable. En l’absence de proches disponibles, l’activité professionnelle doit souvent être réduite ou abandonnée. Par conséquent, le marché du travail ne peut pas exploiter pleinement le potentiel de main-d’œuvre qualifiée dont il a pourtant un besoin urgent», souligne l'
organisation professionnelle FMH dans son Bulletin des médecins suisses.
Une question fondamentale demeure: quelle part du travail à temps partiel est véritablement choisie et quelle part est subie en raison de contraintes externes, telles que l'absence de solutions de garde?
Le débat sur le temps partiel dans le secteur médical est loin d'être binaire. Entre besoin de flexibilité, impacts financiers et exigences du système de santé, il pose des questions complexes qui devront continuer à être explorées.