Importation directe de dispositifs médicaux: quel cadre légal?

Tout professionnel de santé utilisant des dispositifs médicaux doit s’assurer qu’ils portent le marquage CE. Mais dans le cas d’une importation directe depuis l’étranger, cette conformité ne suffit pas: des obligations supplémentaires s’appliquent.

La question juridique de la semaine, 7 juillet 2025 à 23:00
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Michael Isler
Deux raisons principales poussent les prestataires à se procurer des dispositifs médicaux à l’étranger plutôt que par le canal «officiel» suisse: le manque de produits disponibles ou des prix plus avantageux. Ces fournisseurs se croient souvent dans une zone d’ombre juridique, alors qu’une réglementation claire encadre ce cas de figure:
«Tout professionnel utilisant directement un dispositif provenant de l’étranger sans le mettre sur le marché est responsable de sa conformité.»
C’est ce que prévoit l’article 70, paragraphe 1, de l’ordonnance sur les dispositifs médicaux (ODim). Ce qui semble, à première vue, être une charge réglementaire pour les prestataires de soins constitue en réalité non seulement un allègement pour les fabricants étrangers de dispositifs médicaux, mais aussi un moyen de faire face aux menaces de pénuries d’approvisionnement et de permettre les importations parallèles.
Dr iur. Michael Isler est avocat, associé et membre de la direction des groupes de produits Propriété intellectuelle, Technologie de l'information et Protection des données du cabinet zurichois Walder Wyss. Il travaille principalement dans le domaine du droit des technologies, et intervient régulièrement sur des questions liées à la réglementation des dispositifs médicaux.
  • Dans le «cas juridique de la semaine», un avocat du cabinet Walder Wyss éclaire une problématique relevant du droit de la santé.

La Suisse en tant que «pays tiers»

Mais reprenons dans l’ordre: depuis le 27 mai 2021, la Suisse et les États membres de l’Union européenne (UE) ou de l’Espace économique européen (EEE) ne forment plus un espace d’harmonisation unique pour les dispositifs médicaux. La Suisse est ainsi devenue un «pays tiers» pour l’UE – et inversement.
Cela signifie notamment qu’un fabricant étranger souhaitant livrer des dispositifs médicaux en Suisse doit en principe désigner un mandataire («CH-Rep»). Le CH-Rep est bien plus qu’une simple adresse postale: il constitue un point de contact spécialisé entre le fabricant étranger, l’importateur et Swissmedic. Il est aussi solidairement responsable, avec le fabricant, des dommages causés par un dispositif médical défectueux (article 47d, alinéa 2 de la Loi sur les produits thérapeutiques).
Le prestataire qui se procure un dispositif médical à l’étranger et en fait usage n’est pas considéré comme le mettant sur le marché. Il se contente de le mettre en service. Cette nuance n’est pas qu’une question de vocabulaire:
  • Là où il n’y a pas de mise sur le marché, il n’y a pas d’importateur. Le fournisseur de prestations n’a donc pas à s’enregistrer auprès de Swissmedic en tant qu’importateur, ni à se soumettre aux autres obligations de contrôle et de documentation qui s’appliquent à ces derniers.
  • En l’absence de mise sur le marché, l’obligation du fabricant de désigner un CH-Rep et de le mentionner sur l’étiquetage du produit est également levée.
Ces allègements procéduraux ont toutefois un coût: c’est le prestataire qui en assume la charge, en étant responsable de la conformité du produit. Mais que signifie cette responsabilité, concrètement?
«Le CH-Rep est bien plus qu’une simple adresse postale. Il constitue un point de contact spécialisé entre le fabricant étranger, l’importateur et Swissmedic.»
Un achat direct à l’étranger ne signifie pas nécessairement qu’un produit est physiquement importé en Suisse. C’est par exemple le cas pour l’utilisation de dispositifs médicaux sous forme de logiciels en cloud, acquis directement auprès d’un opérateur étranger.

Dispositif médical commercialisable

Le prestataire de soins doit avant tout s’assurer que le dispositif médical remplit les critères de mise sur le marché. Il doit porter le marquage CE, ainsi que – selon la classe de risque – le numéro d’identification à quatre chiffres de l’organisme notifié (notified body). Un certificat de conformité correspondant doit également être obtenu auprès de l’organisme notifié.
Par ailleurs, en l’absence d’un autre acteur économique responsable des questions de sécurité en Suisse, le fournisseur de prestations s’engage à assumer ce rôle. Il doit notamment garantir le flux d’informations nécessaires (Field Safety Notices) par l’intermédiaire du fabricant, et le cas échéant, mettre en œuvre les mesures correctives requises – par exemple, se procurer la mise à jour d’un micrologiciel nécessaire à la correction d’un défaut.

La question délicate des importations parallèles

Il est également possible que le fabricant étranger utilise une CH-Rep. Si tel est le cas, une «plaque tournante» coresponsable du respect des obligations post-marché est établie en Suisse. Pour les dispositifs destinés au marché suisse, la mention du CH-Rep sur l’étiquetage est obligatoire. Dans le cas des importations parallèles, toutefois, l’identification s’avère plus difficile, d’autant que les obligations d’enregistrement dans la base de données Swissmedic n’entreront en vigueur qu’à partir de mi-2026 – et uniquement pour les produits nouvellement mis sur le marché.
«Le prestataire qui se procure un dispositif médical à l'étranger et en fait usage n'est pas considéré comme le mettant sur le marché. Il se contente de le mettre en service.»
Pour ces derniers, il est malgré tout possible d’obtenir des informations pertinentes grâce au numéro d’identification unique (UDI), par une simple requête. Dans la plupart des cas, il est toutefois indispensable de s’adresser directement au fabricant. Quant à savoir si le CH-Rep accepte d’intégrer un fournisseur de prestations dans le flux d’information, c’est une autre histoire: la loi ne l’y oblige pas.
Les fournisseurs de prestations sont souvent peu conscients de la charge supplémentaire que représente, pour eux, l’achat direct de dispositifs médicaux. Swissmedic a publié une fiche d’information sur ce sujet, mais n’a pas mené de campagne de contrôle à grande échelle à ce jour.
  • La «question juridique de la semaine» est un contenu partenaire de Walder Wyss.
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