Fuite des soignants: la France prévoit de freiner la concurrence étrangère

Alors que de plus en plus de soignants choisissent d’exercer en Suisse ou au Luxembourg, la France étudie la mise en place d'un nouvel amendement pour mieux rémunérer ses hôpitaux situés en zones frontalières.

, 25 février 2025 à 10:08
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L'Hôpital de Mont-Saint-Martin, situé à seulement trois kilomètres de la frontière luxembourgeoise, cherchait à recruter 52 infirmiers et 37 aides-soignants en 2022. | Image: Ville de Mont-Saint-Martin, DR
Dans un contexte de tensions croissantes sur les effectifs hospitaliers, la sénatrice de Meurthe-et-Moselle Véronique Guillotin (Parti radical), médecin généraliste de formation, a fait adopter un amendement visant à lutter contre la concurrence des hôpitaux frontaliers.

Renforcer l’attractivité des hôpitaux français

Au cœur de cet amendement: l’amélioration de l’attractivité des établissements de santé français, notamment face aux écarts de rémunération avec des pays voisins tels que le Luxembourg et la Suisse.
Alors que le nouveau budget de la Sécurité sociale vient d’être adopté, la mesure porte sur la révision du coefficient géographique appliqué aux établissements de santé situés en zone frontalière. «Un coefficient de majoration pourra désormais s’appliquer aux territoires frontaliers avec la Suisse et le Luxembourg», explique la sénatrice dans «Le Républicain Lorrain». Elle précise: «C’est un outil qui tient compte de la particularité de ces territoires.»
Ce dispositif permettra à l’Assurance maladie d’augmenter les recettes de certains établissements pour compenser les surcoûts liés à la concurrence étrangère. Une majoration qui n’aura aucune incidence sur les frais des patients.

Des précisions encore attendues

Toutefois, plusieurs points restent à définir:
  • Le taux exact de majoration, qui pourrait varier entre 7% et 34%.
  • L’éligibilité des établissements, notamment les hôpitaux publics et les cliniques privées à but non lucratif.
  • Les zones géographiques précises concernées par cette revalorisation.

Un problème persistant

En 2022, une première initiative avait été mise en place pour freiner l’exode des soignants: un système de primes de formation destiné à inciter les diplômés à rester dans les établissements français. Si ce dispositif a apporté quelques améliorations, il ne suffit pas à enrayer la tendance, et une part importante du personnel médical continue de franchir la frontière pour exercer à l’étranger.

Fuite des soignants vers la Suisse

Le phénomène est particulièrement marqué en Suisse, où l’exode des soignants français s’est accéléré ces dernières années.
Entre 2008 et 2018, le nombre de soignants transfrontaliers travaillant dans le canton de Vaud a bondi de 175%. Plus largement, le nombre total de soignants français exerçant en Suisse a presque doublé en dix ans, souligne une enquête de l'Insee.
La situation est encore plus critique en Haute-Savoie, où:
  • 49% des infirmiers et sages-femmes exercent en Suisse.
  • 27% des aides-soignants ont également choisi de franchir la frontière.

Conséquences lourdes pour les hôpitaux français

Cette fuite des talents hospitaliers entraîne d’importantes difficultés de recrutement pour les établissements français. Certains hôpitaux peinent à maintenir leurs services, notamment dans les zones frontalières.
Conséquence directe: le risque de fermeture de services hospitaliers, notamment les urgences, faute de personnel suffisant.
Alors que la question de la désertification médicale est déjà un enjeu majeur, la fuite des soignants vers les pays voisins vient fragiliser un peu plus le système de santé français. Reste à voir si les nouvelles mesures suffiront à endiguer ce phénomène.
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