Écouter les proches – la sécurité des patients repensée

Outre-Manche, les proches des patients sont désormais invités à s’impliquer activement dans les décisions médicales. Une initiative baptisée «Martha’s Rule» produit des résultats inattendus en matière de sécurité et de qualité des soins. Ce principe est aujourd’hui à l’étude en Suisse.

, 10 juillet 2025 à 14:44
image
Quand écouter la famille peut changer le cours d'une vie: Martha Mills | Image: Merope Mills / Wikimedia Commons CC BY-SA 4.0
Il faut généralement du temps pour que les initiatives en matière de qualité portent leurs fruits. La «Martha's Rule» pourrait bien faire exception. Cette mesure en faveur de la sécurité des patients a été lancée l’an dernier au sein des hôpitaux du système de santé britannique (NHS).
Le projet porte le nom de Martha, une fillette de 13 ans décédée en 2021 après que les médecins ont sous-estimé une septicémie, malgré les alertes répétées de sa famille face à la dégradation de son état.
La leçon tirée de l’histoire de Martha Mills peut se résumer ainsi: les préoccupations des proches ou des personnes extérieures doivent être prises au sérieux. Mieux encore, un dispositif formel doit permettre de les intégrer systématiquement dans le processus de soins.
À ce jour, 143 hôpitaux ou trusts du NHS ont rejoint l’initiative «Martha’s Rule». Les premières données recueillies entre septembre 2024 et février 2025 sont disponibles. Concrètement:
  • De septembre 2024 à février 2025, 2'289 interventions ont eu lieu dans le cadre de la procédure Martha's Rule. Dans un cinquième de ces cas, ces interventions ont mené à des changements dans la prise en charge ou à des transferts.
  • Pas moins de 129 fois, ces interventions ont conduit à prendre une mesure permettant de sauver la vie du patient; 57 d'entre eux ont notamment été transférés dans un service d'urgence ou de soins intensifs.
  • Dans 336 cas, le traitement a été adapté suite à l’intervention des proches.
  • Enfin, dans 340 cas, l'intervention des proches a permis la résolution de problèmes cliniques (notamment en cas de retards dans la prise de médicaments). Dans 448 cas, elle a permis de résoudre des problèmes de communication.
«We are not even a year into the rollout of Martha’s Rule and it is already one of the most significant changes in patient safety in recent years.» — Stephen Powis, Medical Director NHS
Les proches ne devraient pas être les seuls à faire remonter des inquiétudes. Le personnel soignant, thérapeutique ou administratif intervenant en marge des soins directs devrait également être impliqué. Mais pour que cela fonctionne, un processus clair doit être en place:
  • Les hôpitaux participants s’engagent à demander au moins une fois par jour, de manière structurée, aux patients s’ils se sentent mieux ou moins bien.
  • Tout membre du personnel médical ayant des doutes sur l’état d’un patient peut solliciter une évaluation par une autre équipe.
  • Ce dispositif est également accessible aux patients, à leurs proches ou à leurs soignants – avec une signalétique claire dans les établissements.
Selon les dernières évaluations, dans 73% des cas, la demande d’intervention («escalation request») provenait des proches.
«Martha's Rule»: les principes fondamentaux
Le retour des équipes hospitalières est largement positif. Stephen Powis le souligne: «La Martha's Rule est en vigueur depuis moins d'un an et il s'agit déjà de l'un des changements les plus importants de ces dernières années en matière de sécurité des patients. Des centaines d'appels ont permis d'améliorer les soins aux patients – et sans aucun doute de sauver des vies.»

Premiers pas à Lucerne

La «Martha's Rule» pourrait bientôt devenir réalité en Suisse: le «Blick» rapporte le cas d’un garçon d’un an décédé en février à l’hôpital pour enfants de Lucerne. Malgré l’alerte lancée par sa mère sur l’état critique de l’enfant, celui-ci avait été renvoyé à domicile. Il a été réadmis peu après, mais il était déjà trop tard.
La mère de l’enfant a dénoncé publiquement, comme beaucoup trop d’autres avant elle, le manque d’attention porté aux signaux d’alerte exprimés par les proches.
Martin Stocker, directeur de l’hôpital pédiatrique de Lucerne et médecin-chef en néonatologie, a réagi: il appelle à l’introduction d’une «Martha’s Rule» au sein de l’hôpital pédiatrique du LUKS. «J’espère ainsi que nous pourrons tirer des enseignements de votre terrible destin», a-t-il déclaré au «Blick». L’hôpital prévoit de discuter dès ce mois-ci des modalités de mise en œuvre de cette nouvelle règle, en vue d’une entrée en vigueur prochaine.

Partager l'article

Loading

Commentaire

Plus d'informations sur ce sujet

image

L'UNIGE signe une avancée majeure dans la lutte contre le diabète de type 1

Vivre avec un diabète de type 1 sans dépendre de l’insuline? C’est l’horizon qu’esquisse un consortium européen dirigé par l’Université de Genève, qui présente un pancréas bioartificiel aux résultats prometteurs.

image

«Kidz»: Bâle lance un modèle d'hospitalisation à domicile en pédiatrie

Alors que la prise en charge d'enfants malades à domicile est déjà établie dans certains pays, Bâle ose désormais franchir le pas avec «Kidz», un nouveau projet pilote.

image

Helsana alerte sur la hausse des examens par TDM en Suisse

L’année dernière, plus de 600'000 personnes, soit près de 7% de la population, ont subi au moins un scanner du tronc. L’assureur s’inquiète de cette augmentation.

image

Septième cas mondial de rémission du VIH après une greffe de cellules souches

Un sexagénaire est considéré guéri du VIH. Selon des scientifiques berlinois, son cas est d’autant plus remarquable que les cellules souches transplantées n’étaient pas résistantes au virus.

image

Épilepsie et mort subite: «Une révolution culturelle s'impose»

Philippe Ryvlin, neurologue au CHUV, a identifié deux nouveaux facteurs de risque majeurs du décès soudain d’une personne atteinte d'épilepsie sans cause apparente. Interview.

image

RHNe: vers un seul site de soins aigus stationnaires?

En 2017, les Neuchâtelois avaient choisi de maintenir deux sites de soins aigus. Aujourd’hui, le Réseau hospitalier envisage de concentrer l’activité stationnaire aiguë sur un seul site, relançant ainsi le débat sur l’avenir de l’hôpital.

Du même auteur

image

Tertianum reprend Senevita

Union de géants dans les soins de longue durée et le logement pour personnes âgées: les deux plus grands prestataires de Suisse fusionnent, donnant naissance à un groupe fort d’environ 11'000 employés.

image

Là où les équipes soignantes sont fortes, les médecins s’épuisent moins

Selon une vaste étude internationale, les médecins sont moins épuisés et plus enclins à rester en poste lorsque les équipes infirmières sont suffisamment dotées et que le climat de travail soutient la pratique clinique.

image

Urgences: pourquoi l'idée d'une taxe ne convainc pas – et ce qu'en disent les spécialistes

Alors que doivent débuter les débats au Conseil national, les médecins urgentistes mettent à nouveau en garde contre l'idée d'une «taxe pour les cas bénins». Ils proposent quatre alternatives concrètes.