Selon les médias (
article de la NZZ du 28 juillet 2025), la gérante d’une organisation d’aide et de soins à domicile dans le canton de Zurich a été condamnée pour escroquerie multiple. Elle employait de manière systématique du personnel ne disposant pas des qualifications professionnelles requises et facturait néanmoins leurs prestations aux caisses-maladie.
Les autorités pénales ne considèrent manifestement pas le non-respect des prescriptions réglementaires comme une simple bagatelle. Les entreprises qui ne respectent pas les règles du jeu s’exposent non seulement à des mesures de police sanitaire et d’assurance-maladie pouvant mettre en péril leur existence, mais aussi à des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à une peine d’emprisonnement.
À la lumière de cette procédure pénale – qui n’est pas un cas isolé – chacun est en droit de se demander: dans quelle mesure suis-je exposé?
Exigences en matière de santé publique pour les entreprises et leur personnel
Afin de garantir la qualité des soins, la loi sur les professions médicales (LPMéd) et la loi sur les professions de la santé (LPs) prévoient, à l’échelle nationale, des exigences uniformes pour la formation de base, la formation postgrade, la formation continue, ainsi que pour l’exercice professionnel autonome des professions médicales et infirmières. La LPMéd et la LPs prévoient notamment une obligation d’autorisation et en fixent les conditions.
Les auteurs
- Mirjam Olah est avocate spécialisée dans le domaine de la santé et des sciences de la vie au sein du cabinet zurichois Walder Wyss. Elle conseille sur les questions de réglementation dans l’ensemble du droit de la santé, en particulier en lien avec le droit de l’assurance-maladie. Elle dispose d’une grande expérience en représentation de clients devant les juridictions et autorités administratives, et publie régulièrement dans sa spécialité.
- Daniel Staffelbach est associé au sein de l’équipe marchés réglementés, concurrence, technologie et propriété intellectuelle du cabinet Walder Wyss. Il conseille des clients dans le domaine Health Care & Life Science et des assurances, avec un accent particulier sur le droit des contrats, le droit commercial, le droit public et le droit du travail.
Outre les exigences personnelles (fiabilité, aptitude physique et psychique) et les compétences linguistiques, il faut notamment être titulaire de diplômes fédéraux de formation initiale et continue, ou de diplômes étrangers reconnus.
«Le casse-tête – la reconnaissance des qualifications professionnelles étrangères dans l'éternel embouteillage administratif.»
Les conditions et modalités de reconnaissance des qualifications professionnelles étrangères sont régies par la LPMéd et la LFSP. La Croix-Rouge suisse (CRS) est compétente pour les infirmières et infirmiers, tandis que la Commission des professions médicales (MEBEKO) et l’Institut suisse pour la formation postgraduée et continue (ISFM) le sont pour les médecins.
Or, depuis longtemps, un retard notoire affecte toutes les instances de reconnaissance, freinant de facto l’accès à la pratique professionnelle en Suisse et portant atteinte à la liberté économique des professionnels concernés. Ce comportement des autorités se situe entre la violation de l’interdiction de retarder l’action administrative et celle de refuser d’agir; s’agissant des qualifications professionnelles issues de l’UE, il contrevient également au droit international public de rang supérieur.
Les cantons sont responsables de l’octroi des autorisations d’exercer et de la surveillance. Ces conditions strictes s’appliquent à l’activité exercée sous sa propre responsabilité professionnelle – indépendamment du rapport d’engagement.
La réglementation de l’exercice sous la responsabilité d’un professionnel relève de la compétence cantonale. Les approches varient, mais on retrouve en général les principes suivants:
- Le professionnel chargé de la surveillance doit être titulaire d’une autorisation d’exercer.
- Les personnes placées sous supervision professionnelle doivent au minimum avoir suivi une formation spécifique en lien avec leur activité. Certaines d’entre elles doivent toutefois avoir suivi la même formation que celles exerçant de manière autonome.
- En principe, l’exercice d’une profession sous supervision n’est pas soumis à autorisation pour la personne supervisée.
Autorisations des établissements d'aide et de soins à domicile
En raison de l’actualité du jugement pénal, nous souhaitons nous concentrer sur les entreprises de soins à domicile. Il existe une marge de manœuvre dans la réglementation de l’exercice professionnel en ce qui concerne le personnel (spécialisé) travaillant sous la surveillance d’un professionnel. La manière dont cette organisation est définie, au regard des exigences applicables aux institutions d’aide et de soins à domicile en tant qu’établissements de santé, est déterminée par les prescriptions relatives à l’autorisation d’exploitation: en règle générale, l’exploitation d’une organisation d’aide et de soins à domicile requiert une autorisation cantonale. Les cantons fixent les conditions d’octroi de cette autorisation.
Les institutions doivent en principe satisfaire aux exigences de base suivantes:
- Disposer d’infrastructures matérielles adaptées aux prestations offertes;
- Mettre à disposition le personnel nécessaire pour assurer une prise en charge professionnelle des patients (infrastructure en personnel);
- Avoir une direction professionnelle responsable.
En outre, d’autres mesures de garantie de la qualité et des directives conceptuelles doivent être respectées: la direction des soins d’une institution d’aide et de soins à domicile ne peut être confiée qu’à une personne disposant d’une autorisation d’exercer une activité professionnelle sous sa propre responsabilité, soit de manière autonome. Autrement dit, les exigences de la LPSan s’appliquent à cette personne.
En ce qui concerne les exigences minimales de qualification du personnel spécialisé employé, le canton de Zurich, par exemple, renvoie à la recommandation «Kompetenzrahmen für das Personal in der Hilfe und Pflege zu Hause» (cadre de compétences pour le personnel de l’aide et des soins à domicile) de l’Association suisse des services d’aide et de soins à domicile. Concernant l’engagement du personnel, il est généralement précisé que toutes les personnes actives dans le domaine des soins ne peuvent se voir confier que des tâches pour lesquelles elles sont effectivement formées. Toutefois, des extensions de compétences sont autorisées, dans une perspective de police sanitaire, en cas de délégation appropriée par des infirmiers diplômés.
Les exigences en matière de police sanitaire relatives à la clé de répartition du personnel et à la formation (skill-grade mix) ne sont donc pas fixées de manière générale et prospective dans les bases cantonales, mais s’orientent sur l’offre concrète de prestations, conformément au concept d’exploitation. Tant que l’engagement du personnel dans le cadre des prestations effectivement fournies respecte les conditions autorisées par les autorités, il n’existe en principe pas de risque. Il en va de même pour les mesures déléguées de manière régulière.
Facturation des prestations d'aide et de soins à domicile via l'assurance de base
En ce qui concerne l'activité à la charge de l'AOS, les conditions d'admission relatives aux organisations de soins et d'aide à domicile au sens de l'art. 51 OAMal (fournisseurs de prestations au sens de l'art. 35, al. 2, let. dbis , LAMal) stipulent que celles-ci doivent disposer, entre autres, du personnel spécialisé nécessaire ayant une formation correspondant au domaine d'activité. Ces deux contenus partiels ne sont toutefois pas concrétisés plus précisément ni dans la LAMal ni dans l'ordonnance correspondante.
«Il faut toujours garantir que des soins médicaux de haute qualité et appropriés puissent être fournis.»
Etant donné que les conditions d'admission prévues par le droit de l'assurance-maladie ne prévoient pas de quota déterminé de personnel soignant spécifiquement formé, les organisations d'aide et de soins à domicile sont en principe libres de définir leur ratio de personnel, en vertu de leur souveraineté en matière d'organisation. Cette souveraineté en matière d'organisation n'existe toutefois que dans les limites de l'obligation prévue à l'art. 36a, al. 1, phrase 2 LAMal; en d'autres termes, il faut toujours garantir que des soins médicaux appropriés et de qualité puissent être fournis. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral s'est référé dans un arrêt récent à la jurisprudence constante selon laquelle:
«Ni la loi (LAMal), ni les ordonnances (OAMal, OPAS) ne définissent les exigences professionnelles minimales auxquelles les employés des organisations de soins et d’aide à domicile au sens de l’art. 35 al. 2 let. e LAMal et de l’art. 51 OAMal doivent satisfaire pour que les prestations qu’ils fournissent soient remboursées par l’AOS.»
(ATF 145 V 161, consid. 3.3.1, confirmé par ATF 150 V 273)
Liberté d'organisation et limites du pouvoir d'appréciation conforme aux obligations
Selon la jurisprudence de la plus haute instance judiciaire, la décision relative aux conditions professionnelles et personnelles requises pour les soins à domicile relève en principe de l’appréciation conforme aux obligations de la direction de l’organisation Spitex concernée et du médecin prescripteur.
Jusqu’à présent, la question de savoir si les limites de cette appréciation sont dépassées a surtout été tranchée dans le contexte des soins prodigués par des proches, en considérant que l’intervention de non-professionnels est en principe autorisée pour les mesures de soins de base. En droit de l’assurance-maladie également, une large marge d’appréciation est admise.
Face à la pénurie croissante de personnel qualifié et à l’inaction des autorités quant à la reconnaissance des diplômes étrangers, toutes les entreprises du secteur de la santé rencontrent des difficultés pour pourvoir leurs postes.
Une solution consiste à engager des personnes spécialisées dans le cadre d’une délégation, c’est-à-dire sous la surveillance d’un professionnel remplissant les conditions d’autorisation. Dans ce cas, les exigences en matière de police sanitaire et d’assurance-maladie pour une délégation régulière (sélection, instruction, surveillance, documentation, etc. – voir à ce sujet l’
article de Mirjam Olah dans l’ouvrage spécialisé) doivent être strictement respectées. À défaut, le risque de sanctions pénales est réel (voir l’affaire rapportée par la NZZ).
Sanctions mettant en péril les moyens de subsistance
Dans les cas les plus graves, des peines d’emprisonnement allant jusqu’à dix ans peuvent être prononcées. Ainsi, si une facturation répétée et intentionnelle à la caisse-maladie est effectuée en sachant que les conditions ne sont pas remplies, les éléments constitutifs de l’escroquerie (art. 146 CP) peuvent être réunis. Dans la procédure pénale mentionnée au début, une amende avec sursis a été prononcée, et l’infirmière condamnée n’a purgé qu’un jour de détention (préventive).
Parallèlement, les sanctions administratives peuvent comprendre le remboursement des montants indûment perçus, l’interdiction définitive et nationale d’exercer et de lourdes amendes. Ces conséquences peuvent mettre en péril l’existence même de l’entreprise.
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