En Suisse, l’obligation de contracter impose aux assureurs-maladie de conclure un contrat avec tout fournisseur de prestations autorisé et de rembourser ses services.
À la surprise générale, lors de la session de printemps, le Parlement a transmis au Conseil fédéral la
motion Hegglin (23.4088), intitulée «LAMal. Assouplissement de l’obligation de contracter». Considérée comme une «opportunité (...) contre l’explosion du volume des prestations et des coûts» dans le domaine de la santé, cette motion charge le gouvernement d’adapter la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) afin d’assouplir cette obligation, tant dans le domaine ambulatoire qu’hospitalier.
Les auteurs
Matthias Maurer est professeur et directeur adjoint de l'Institut d'économie appliquée à la santé (WIG) de Winterthur à la Haute école zurichoise de sciences appliquées (ZHAW).
Marco Varkevisser est professeur et directeur du groupe de recherche Health Systems and Insurance (HSI) à l'Erasmus School of Health Policy & Management (ESHPM) à Rotterdam.
En raison de la forte opposition des partis de gauche, des prestataires de soins, ainsi que du Conseil fédéral et des cantons, il est peu probable que l’abandon de l’obligation de contracter devienne rapidement une réalité.
Un autre enjeu majeur se profile néanmoins. L’expérience néerlandaise montre que le Conseil fédéral devra impérativement tenir compte d’un aspect crucial dans l’éventuelle réforme: la question de la rémunération des prestations fournies par des prestataires non conventionnés.
L'exemple des Pays-Bas
Aux Pays-Bas, la législation sur l’assurance maladie prévoit que les assurés traités par des prestataires non conventionnés ont droit à un remboursement, dont le montant est déterminé par l’assureur. Le législateur précise que ce montant ne doit pas représenter un «obstacle» à l’accès aux soins dispensés par ces prestataires.
Même si ce «critère d’obstacle» n’est pas inscrit dans la loi elle-même, la Cour suprême néerlandaise a statué en 2014 qu’il faisait partie intégrante du droit applicable. Depuis cette décision, les tribunaux imposent un remboursement élevé – souvent jusqu’à 75% – afin de garantir aux patients une liberté de choix, quel que soit leur revenu.
Conséquence : malgré la possibilité de conclure des contrats de manière sélective, les assureurs néerlandais doivent continuer à rembourser largement les soins non conventionnés. Cela affaiblit considérablement leur pouvoir de négociation, les empêchant de conclure des contrats réellement efficaces, de lutter contre la fraude et de maîtriser les coûts.
«La révision de la LAMal devrait donc impérativement prévoir une rémunération nettement inférieure pour les prestations fournies par des prestataires non conventionnés.»
La menace d’une absence de contrat n’est donc pas crédible aux Pays-Bas – ce qui affaiblit l’efficacité du système. En théorie, les contrats sélectifs sont possibles. En pratique, ils restent rares, en raison de la faiblesse du cadre législatif.
La Suisse peut et doit tirer des enseignements de cette expérience. Assouplir l’obligation de contracter et permettre les contrats sélectifs ne suffira pas à freiner la hausse des volumes et des coûts dans le système de santé.
La révision de la LAMal devrait donc impérativement prévoir une rémunération nettement inférieure pour les prestations fournies par des prestataires non conventionnés. L’un ne peut aller sans l’autre.
Conclusion
Les prestataires non liés par contrat ne devraient pas bénéficier d’un droit légal à une rémunération. Le Conseil fédéral serait bien avisé d’intégrer cette disposition dans la réforme en préparation. Les assureurs-maladie doivent pouvoir définir librement le montant de la rémunération applicable dans leurs produits d’assurance.
Cela porterait-il atteinte à la liberté de choix du médecin? Absolument pas. Les patients pourront continuer à choisir librement leur prestataire. Mais ils ne pourront plus, comme aujourd’hui, faire supporter à la collectivité le coût de prestations inappropriées ou peu rentables.