La question des délais d’accès aux traitements innovants a déjà fait couler beaucoup d’encre, notamment du côté de l’industrie pharmaceutique, qui réclame des procédures plus rapides. Mais où en est vraiment la Suisse dans ce domaine, par rapport aux autres grandes agences internationales? Le tout dernier rapport du Centre for Innovation in Regulatory Science (CIRS), institution indépendante basée à Londres, apporte un éclairage chiffré et comparatif.
Ce document examine les autorisations de mise sur le marché de nouvelles substances actives (NAS) en 2024, délivrées par six agences réglementaires majeures: la FDA (USA), l’EMA (Europe), la PMDA (Japon), Health Canada, la TGA (Australie) et Swissmedic (Suisse).
Swissmedic a publié sa propre analyse de ce rapport dans un
communiqué teinté d’optimisme. Nous avons voulu vérifier par nous-mêmes.
Tantôt à la deuxième place... Tantôt à la dernière
Swissmedic affirme être au même niveau que l’EMA en matière de délai médian d’autorisation. Les chiffres du CIRS nuancent toutefois cette affirmation: l’agence suisse termine dernière, avec 444 jours, soit deux semaines de plus que l’EMA et 154 jours de plus que la PMDA japonaise.
Délais médians d'autorisation pour les nouvelles substances actives (2015-2024)
Dans le détail, Swissmedic obtient cependant des résultats plus satisfaisants : elle se classe deuxième pour la durée de l’examen scientifique, juste derrière la PMDA. Une manière de rappeler que d’autres facteurs entrent en jeu, comme la rapidité des industriels à répondre aux compléments de dossier demandés.
Un accès à l'innovation freiné?
Autre point sensible pour l’industrie: l’attractivité du marché suisse. Le CIRS montre que Swissmedic est l’avant-dernière agence où les entreprises déposent leurs dossiers en premier. La FDA et l’EMA arrivent largement en tête. Quant aux entreprises hors top 20 en R&D, elles attendent encore plus longtemps pour soumettre leurs demandes à Swissmedic, avec un retard médian de 553 jours.
L'accélération règne (presque) partout
En 2024, les procédures d’examen accéléré ont été utilisées pour 59% des dossiers à la FDA, 34% à la PMDA, 29% au Canada, 22% chez Swissmedic, et seulement 9% à la TGA. L’EMA, elle, n’y a pas eu recours cette année.
Swissmedic peut toutefois se targuer de la plus grande différence de durée entre procédures standards et accélérées: un gain de 210 jours. Et parmi les 46 demandes qu’elle a approuvées en 2024, huit l’ont été via des voies fortement accélérées, pour des maladies graves sans traitement alternatif.
Les projets de collaboration Orbis (coordonné par la FDA pour les traitements oncologiques) et Access Consortium (regroupant le Canada, l’Australie, Singapour, le Royaume-Uni et la Suisse) ont par ailleurs permis à Swissmedic de réduire ses délais d’environ 100 jours.
Et après l'autorisation?
Le feu vert de Swissmedic n’est qu’un début. Les délais liés à la fixation des prix par l’OFSP et à la prise en charge par les assurances maladie restent une autre source de tension avec l’industrie pharmaceutique.
En résumé, Swissmedic se semble être ni championne ni grande dernière. Si ses délais globaux font réagir, la rapidité de son évaluation scientifique, sa coopération internationale et son recours accru à des procédures flexibles viennent nuancer les critiques.