Médicaments: du goulet d'étranglement au piège des coûts

Un médicament venant à manquer peut sembler un phénomène aléatoire. Or, les conséquences sont systématiques. Le cas typique d’un traitement cardiaque l’illustre: au final, la solution la plus chère est souvent la seule disponible.

Un commentaire d'Enea Martinelli, 28 février 2025 à 01:31
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À nouveau disponible à partir de mars, au plus tôt, ou à partir de mai: comprimé d'Aldactone.
Le médicament contre l'insuffisance cardiaque spironolactone – commercialisé sous le nom d'Aldactone par Pfizer – connaît depuis quelques semaines une pénurie touchant toutes les tailles d'emballage. Cet exemple permet d'illustrer la situation par un calcul rapide et instructif:
La Suisse compte environ 200'000 patients et patientes souffrant d'insuffisance cardiaque.
Supposons que 100'000 d'entre eux soient sous spironolactone. Avec une dose moyenne de 50 mg, le coût journalier du traitement s'élève à environ 32 centimes (prix unitaire).
Si, en raison de la pénurie, tous devaient passer à l'éplérénone, le coût journalier grimperait à 1 franc.
Le surcoût annuel serait alors: 100 000 x 365 x 0,68 = environ 25 millions de francs.
  • L'auteur: Enea Martinelli est pharmacien-chef aux Hôpitaux FMI SA et vice-président de Pharmasuisse.
Une fois convertis, les patients ne reviennent pas si facilement en arrière (bien que je sois conscient qu'il n'est pas possible de convertir tout le monde).
Ces changements accélèrent ainsi une décision motivée par des considérations purement commerciales : celle de ne plus maintenir l'ancien produit sur le marché.
De plus, il est aujourd'hui plus simple de changer de traitement que de s'exposer aux reproches de certains assureurs pour avoir importé une préparation à base de spironolactone – malgré le risque de refus. Certes, tous les assureurs ne partagent pas cette position, mais certains se montrent particulièrement insistants. Leur argument? Il faudrait d'abord épuiser les alternatives disponibles en Suisse.
Tout cela n’est ni logique, ni rentable, mais apparemment plus confortable pour certaines caisses maladie.
«Fun Fact»: la spironolactone n'existe en Suisse que sous la préparation originale Aldactone, car le marché – ou plutôt les perspectives de bénéfices – sont jugés trop faibles.
En revanche, l'éplérénone est disponible auprès de divers fournisseurs de génériques, car son prix reste (pour l’instant) plus élevé.
Avec ce changement, nous augmentons artificiellement le taux de génériques, ce qui démontre que cet indicateur est en réalité sans réelle pertinence («rubbish»).
Toujours est-il qu'à partir de la mi-mars 2025, certaines tailles d'emballage et dosages d'Aldactone devraient à nouveau être disponibles.
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