L’Hôpital fribourgeois (HFR) ferait face à un surcoût annuel estimé à 8,5 millions de francs en lien avec ses activités multisites. C’est ce que rapporte le journal
«La Liberté», sur la base d’un rapport du cabinet d’audit spécialisé Ernst & Young.
Le réseau hospitalier fribourgeois repose sur un centre pour la médecine de pointe – l’hôpital cantonal à Fribourg – ainsi que sur trois sites régionaux: Riaz, Tavel (Tafers) et Meyriez.
Du coût des transports aux pertes qualitatives
L’audit, mené entre mai et octobre 2024, s’est notamment appuyé sur la conduite d’entretiens ainsi que sur l’analyse de données comptables. Dans le rapport qui en découle, plusieurs catégories de surcoûts sont mises en lumière:
- Le transport de marchandises, de matériel et des patients entre les différents sites;
- Les frais de laboratoire – un même acte serait plus coûteux en périphérie;
- La médecine interne déployée sur plusieurs sites, tant en termes de personnel que d’équipements médicaux.
Des pertes qualitatives sont également évoquées – bien qu’elles ne soient pas directement mesurables. Elles concerneraient, par exemple, la gestion complexe des équipements, en particulier des lits, entre les quatre sites.
Contexte de tensions
Or, ce rapport est commandé dans un contexte particulièrement tendu pour l'HFR: voilà plusieurs années que les finances de l’institution sont dans le rouge. Pour 2025, l’HFR prévoit un déficit de 29,8 millions de francs.
Après avoir déjà pris d’importantes mesures d’économies, la direction annonçait en début d’année vouloir poursuivre les réorganisations. Celles-ci impliquent la suppression de 90 postes (ETP). Le site de Riaz est cette fois le plus touché. Tandis que les services de gériatrie aiguë et de réadaptation gériatrique doivent y être renforcés, la médecine interne, elle, sera transférée à l’hôpital cantonal de Fribourg.
Un nouveau programme d’économies avait également été lancé à l’automne 2024. Parmi les mesures phares: le départ de la médecine interne du site de Meyriez-Murten à l’été 2025. Elle ne sera alors plus assurée qu’à Tavel (Tafers), avec cinq lits supplémentaires.
Ce programme d’économies a suscité une vive réaction chez les professionnels de santé et les élus, particulièrement inquiets des conséquences d’une centralisation.
Inquiétudes sur le terrain
Dans «La Liberté», Anouk Osiek Marmier, présidente de Médecins Fribourg, soulevait une question clé: comment réagiront les patients à la fermeture de la médecine interne à Riaz? Certains refusent une hospitalisation ailleurs qu’à Riaz, obligeant les médecins de famille à gérer en cabinet des cas nécessitant une hospitalisation. Risque-t-on également d'encourager davantage d’hospitalisations extra-cantonales?
Autre interrogation: celle de l’attractivité du sud du canton pour les jeunes médecins, dans un contexte où les acteurs privés renforcent leur présence, notamment à Bulle. «Cette fermeture va diminuer les postes de formation pour les assistants en médecine interne générale, qui sont nos futurs médecins généralistes», ajoute Anouk Osiek Marmier.
En plus de l’incertitude professionnelle liée aux suppressions de postes, la restructuration pose des défis logistiques pour les employés concernés: allongement des trajets domicile-travail, réorganisation familiale, etc.
Quelle logique sous-tend cette démarche de quantification des pertes liées au multisite? Est-elle purement économique, ou vise-t-elle aussi une amélioration de la qualité des soins?
Il semblerait que la volonté soit également de faire réagir le canton, notamment en vue d’obtenir des prestations d'intérêt général (PIG) nécessitant des données chiffrées sur les besoins financiers du modèle multisite. Une intervention est actuellement en préparation au Grand Conseil.