Enquête: les médecins face à leur propre fin de vie

Plus de la moitié des médecins interrogés envisageraient l’euthanasie pour eux-mêmes en cas de cancer avancé ou de maladie d’Alzheimer. En fin de vie, ils privilégient le soulagement des symptômes aux traitements destinés à prolonger la vie.

, 30 juin 2025 à 10:42
image
Image symbolique: Oleksii Piekhov / Unsplash
Une étude internationale menée auprès de plus de 1'100 médecins dans huit pays et régions révèle que plus de la moitié des répondants envisageraient de recourir à l’aide à mourir pour eux-mêmes en cas de maladie grave.
Le choix de cette option dépend fortement de la législation en vigueur dans le pays d’origine. Les résultats ont été publiés dans le Journal of Medical Ethics.
  • Mroz S, Dierickx S, Chambaere K, et al.: «Physicians' preferences for their own end of life: a comparison across North America, Europe, and Australia», dans: Journal of Medical Ethics, juin 2025.
  • doi: 10.1136/jme-2024-110192

Soulager les symptômes plutôt que prolonger la vie

L’enquête s’est penchée sur les préférences individuelles des médecins concernant diverses mesures de fin de vie, telles que la réanimation cardio-pulmonaire (RCP), la ventilation mécanique, l’alimentation par sonde, la sédation palliative et le suicide médicalement assisté. Deux scénarios hypothétiques ont servi de base: un cancer avancé et une démence de type Alzheimer.
  • Sur les 1'408 réponses au questionnaire, 1'157 ont été incluses dans l’analyse finale.
  • Les résultats montrent que les médecins considèrent rarement les traitements de maintien en vie comme une (très) bonne option dans ces situations: RCP 0,5% et 0,2%; ventilation mécanique 0,8% et 0,3%; alimentation par sonde 3,5% et 3,8%.
Les répondants comprenaient des médecins généralistes, des spécialistes en soins palliatifs et d’autres praticiens impliqués dans les soins de fin de vie (cardiologues, urgentistes, oncologues, neurologues et spécialistes en soins intensifs).
Les données ont été recueillies en Belgique, en Italie, au Canada, dans les États américains de l’Oregon, du Wisconsin et de la Géorgie, ainsi que dans les États australiens de Victoria et du Queensland.

Le cadre légal influence les attitudes

L’environnement juridique influence clairement la perception de l’aide à mourir. En Belgique, où l’euthanasie est autorisée depuis 2002, 81% des médecins interrogés jugent cette option (très) bonne en cas de cancer, contre seulement 38% en Italie, où elle est interdite. Un écart similaire est observé pour le scénario de la maladie d’Alzheimer (67,5% en Belgique contre 37,5% en Géorgie, États-Unis).
De manière générale, 54% des participants envisageraient l’euthanasie pour eux-mêmes en cas de cancer, et 51,5% en cas de démence. Un tiers d’entre eux (33,5%) déclarent qu’ils utiliseraient des médicaments pour mettre fin à leurs jours si ceux-ci étaient disponibles.

Le rôle des convictions religieuses et de la spécialité

Au-delà du cadre légal, les croyances personnelles jouent également un rôle: 65% des médecins non religieux se disent favorables au suicide médicalement assisté, contre 38% chez les médecins religieux. De même, 72% des non religieux soutiennent l’euthanasie, contre 40% des religieux.
«Ces résultats pourraient également être liés à la charge morale que certains médecins ressentent lorsqu'ils administrent de manière routinière des traitements de fin de vie, et devraient inciter à réfléchir à la pratique clinique actuelle.» —Mroz et al. (2025)
Par ailleurs, les spécialistes en soins palliatifs privilégient plus fréquemment la sédation palliative, tandis que les généralistes, les oncologues et les intensivistes sont davantage enclins à envisager l’euthanasie ou l’usage de médicaments permettant de mettre fin à la vie.
    Partager l'article

    Loading

    Commentaire

    Plus d'informations sur ce sujet

    image

    Vaccins à ARNm: plusieurs millions de données pour rassurer les sceptiques

    Une étude d’ampleur livre des résultats sur la sécurité des vaccins à ARNm contre le Covid-19. Résultat: une baisse significative de la mortalité liée à la maladie, et une surprenante réduction de la mortalité toutes causes confondues.

    image

    Cliniques de dermatologie: les raisons du succès

    Le nombre de cliniques de dermatologie augmente rapidement en Suisse. Derrière l’expansion de groupes comme Matignon, Skinmed, Delc ou Dermis se cache un marché en plein essor.

    image

    Agenda soins de base: H+ déplore la place accordée aux hôpitaux

    L’association des hôpitaux H+ se positionne sur le rapport spécialisé de l’Agenda soins de base: pour elle, le rôle essentiel des hôpitaux et des cliniques n’y est pas suffisamment pris en compte.

    image

    L'UNIGE signe une avancée majeure dans la lutte contre le diabète de type 1

    Vivre avec un diabète de type 1 sans dépendre de l’insuline? C’est l’horizon qu’esquisse un consortium européen dirigé par l’Université de Genève, qui présente un pancréas bioartificiel aux résultats prometteurs.

    image

    Urgences: pourquoi l'idée d'une taxe ne convainc pas – et ce qu'en disent les spécialistes

    Alors que doivent débuter les débats au Conseil national, les médecins urgentistes mettent à nouveau en garde contre l'idée d'une «taxe pour les cas bénins». Ils proposent quatre alternatives concrètes.

    image

    Swiss Medical Network crée la région «Arc lémanique», Stanley Hautdidier en prend la direction

    Le groupe de cliniques privées poursuit sa réorganisation: Vaud et Genève seront réunis au sein de la région «Arc Lémanique», confiée à Stanley Hautdidier. Vincent Michellod rejoint la direction générale, tandis que Nello Castelli la quitte.

    Du même auteur

    image

    Septième cas mondial de rémission du VIH après une greffe de cellules souches

    Un sexagénaire est considéré guéri du VIH. Selon des scientifiques berlinois, son cas est d’autant plus remarquable que les cellules souches transplantées n’étaient pas résistantes au virus.

    image

    Épilepsie et mort subite: «Une révolution culturelle s'impose»

    Philippe Ryvlin, neurologue au CHUV, a identifié deux nouveaux facteurs de risque majeurs du décès soudain d’une personne atteinte d'épilepsie sans cause apparente. Interview.

    image

    Embouteillage pour l'obtention d'un titre: l'ISFM réduit les frais de moitié avec effet rétroactif

    Suite aux interventions de plusieurs associations, l’ISFM réagit en réduisant temporairement de moitié les frais d’obtention d’un titre, avec effet rétroactif. Cette concession ne marque toutefois pas la fin du problème, bien au contraire.