À Berne, le personnel médico-social des soins de longue durée, rassemblé au sein du syndicat Unia, a présenté un manifeste revendiquant des conditions de travail équitables et le respect de la dignité des personnes âgées bénéficiaires de ces soins.
Le
«Manifeste pour des soins et un accompagnement de qualité» est le fruit d’un an de travail mené par une vingtaine de spécialistes du secteur, dans le cadre d’un processus participatif coordonné par des chercheurs et chercheuses de la Haute école spécialisée de la Suisse italienne (SUPSI) et de la Haute école spécialisée bernoise (BFH).
«C’est un manifeste pour sortir de la crise des soins de longue durée la tête haute», souligne le syndicat dans un
communiqué. Il dénonce une organisation dévalorisante, tant pour les patients que pour les soignants, et appelle à une campagne d’alliances et de mobilisation. «Les soins de longue durée vont droit dans le mur à cause de la standardisation inefficace et dangereuse du travail de care», alerte le document, fustigeant des réformes inspirées de la nouvelle gestion publique qui, selon les signataires, «vont à l’opposé de la logique du care».
Une crise structurelle
Dans un contexte de pénurie de personnel et de demande croissante, le manifeste dénonce le manque de temps pour assurer des soins de qualité. «Malgré l’acceptation de l’initiative populaire pour des soins infirmiers forts, nous, personnels médico-sociaux, sommes toujours confrontés aux mêmes problèmes», peut-on y lire. L’objectif affiché est clair: obtenir un rôle actif dans les décisions relatives à l’organisation des soins de longue durée, aussi bien sur le lieu de travail qu’aux niveaux cantonal et fédéral.
Avant de détailler leur «Vision 2035», les professionnels tirent la sonnette d’alarme sur les défis du quotidien.
«Les réformes qui ont artificiellement divisé les soins de longue durée en trois domaines avec des sources de financement distinctes (hôtellerie, soins médicaux, assistance) ont encouragé l’expansion du secteur privé et permis à l’État de se soustraire à ses responsabilités face à la crise du care», dénoncent-ils. Or, cette privatisation accrue, dictée par une logique de profit, entraîne une standardisation du travail et une quête incessante d’optimisation. «La standardisation du travail de care est inefficace et dangereuse», alertent-ils, pointant du doigt une gestion basée sur des indicateurs quantitatifs dont l’objectivité est remise en question, mais dont les effets concrets sont bien réels.
Des décisions qui, au final, affectent les patients eux-mêmes: le temps qui leur est consacré se réduit drastiquement. «Le temps et les relations sont cruciaux. La confiance est essentielle à la qualité des soins et s’instaure dans le respect et la patience: qui voudrait se faire laver par une personne inconnue?», interrogent les soignants. Ils plaident pour une reconnaissance de l’ensemble des dimensions du soin, y compris l’accompagnement psychosocial.
«Accompagner quelqu’un qui se déplace seul mais avec difficulté prend du temps et comporte des risques, mais pouvoir se mouvoir est essentiel pour préserver la dignité. Mettre une personne dans un fauteuil pour gagner du temps revient à piétiner cette dignité», dénoncent-ils encore.
Des revendications concrètes
Le manifeste souligne également une situation paradoxale: «Quand nous prenons le temps nécessaire pour fournir aux personnes les soins dont elles ont besoin, nous risquons d’être sanctionnés, accusés d’être lents ou "inefficaces"».
Pour remédier à cette crise, le texte avance plusieurs solutions: co-construction du travail, amélioration des effectifs pour une réduction du temps de travail, augmentation des salaires, ou encore stabilité professionnelle accrue.
«Il ne suffit pas d’ordonner aux employés d’être autonomes», insiste le document, qui réclame aussi des mesures contre l’épuisement professionnel. Selon les signataires, les réponses techniques ou numériques ne suffiront pas à résoudre les problèmes actuels. «L’État, et non le secteur privé à but lucratif, doit jouer un rôle central dans la fourniture des soins de longue durée. La raison est simple mais imparable: le care doit répondre aux besoins individuels et collectifs, afin de renforcer la cohésion de la société».
Dans les semaines à venir, le syndicat Unia prévoit d’organiser des discussions avec un large éventail d’organisations pour «enrichir les propositions et développer un processus collectif à la hauteur des défis du secteur». Un colloque national sur l’état des soins de longue durée est d’ores et déjà prévu pour le 13 septembre.