C'est une nouvelle affaire hors norme qui secoue la France voisine: le procès de l'anesthésiste-réanimateur Frédéric P. s'est ouvert ce lundi devant la cour d'assises du Doubs, à Besançon. Après huit années d'enquête, le médecin comparaît devant la justice pour empoisonnement de 30 patients, âgés de 4 à 89 ans, dont 12 sont décédés. Ce procès, d'une ampleur inédite, doit durer quatre mois, avec un verdict attendu en décembre.
Poches de perfusion contaminées
Les faits reprochés, qui remontent aux années 2008–2017, concernent deux établissements de santé: la clinique Saint-Vincent et la polyclinique de Franche-Comté. C’est là qu’une série d’«événements indésirables graves» a été signalée: notamment des arrêts cardiaques inexpliqués chez des patients sans antécédents particuliers, lors d’opérations mineures.
Les expertises ont mis en évidence des poches de perfusion contaminées, contenant par exemple des doses létales de potassium ou d’anesthésiques. Pour les enquêteurs, un point commun relie tous ces épisodes: la présence du docteur P.. Celui-ci est soupçonné d’avoir provoqué délibérément ces empoisonnements, à la fois pour mettre en valeur ses compétences de réanimateur lors d’interventions d’urgence, mais aussi pour nuire à certains collègues avec lesquels il était en conflit.
Frédéric P., qui n’a jamais été placé en détention, clame son innocence depuis le début de l’affaire et plaide pour l’acquittement. «Ça fait huit ans qu’il attend ce procès, c’est tout ce qu’il lui reste dans la vie», déclare l'un de ses avocats au micro de
«Radio France».
Plus de 150 parties civiles
Le procès mobilise une cinquantaine d’avocats et plus de 150 parties civiles : victimes présumées et proches de patients décédés. De nouvelles constitutions ont été enregistrées dès l’ouverture des débats, notamment celle de l’Ordre national des médecins, qui estime que la profession a été «salie» par ce scandale. Les deux cliniques concernées se sont également portées parties civiles, tentant de restaurer une réputation lourdement affectée, rapporte
«France Télévisions».
Quant aux patients ayant survécu, ils présentent parfois de lourdes séquelles: troubles neurologiques et de la vision, handicaps physiques et traumatismes psychologiques.
Une affaire qui interroge
L’affaire P. n’est pas sans rappeler celle de l’infirmière danoise Christina Aistrup Hansen, condamnée en 2016 pour avoir administré des surdoses de morphine à ses patients, dans un geste interprété comme une quête d’attention et de reconnaissance.
Au-delà du cas individuel, le procès pose la question de la confiance dans l’institution médicale et des moyens de contrôle au sein des établissements de santé. Pendant quatre mois, la cour tentera d’éclaircir un mystère médical et judiciaire: qui est réellement à l’origine de ces empoisonnements?
«Procès de l’anesthésiste : L’impact du traumatisme pour la clinique», un reportage de «France 3 Bourgogne-Franche-Comté», 3 septembre 2025