Medtech: «Trop de réglementation tue l'innovation»

Adrian Hunn, directeur de Swiss-Medtech, aborde dans une interview la question des droits de douane punitifs américains, des obstacles de l'UE et de la nécessité de réformer le système d'autorisation.

, 28 mai 2025 à 22:00
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Après l’UE, les États-Unis représentent le deuxième marché le plus important pour la branche suisse des technologies médicales. Comment jugez-vous la situation actuelle au vu des droits de douane annoncés sur les produits suisses du secteur de la medtech? L’inquiétude est grande. Certes, la décision du gouvernement américain de reporter dans un premier temps de 90 jours l’instauration de droits de douane supplémentaires de 31% sur les importations suisses de technologies médicales a apporté un soulagement temporaire. Mais l’incertitude demeure, notamment en raison du flou qui persiste quant à la situation après ce délai. Or, nous le savons: l’incertitude est un poison pour toute entreprise. À cela s’ajoute le fait que le droit de douane de base de 10%, en vigueur depuis le 5 avril, pèse déjà lourdement sur le secteur.
Adrian Hunn est directeur de Swiss Medtech depuis juin 2024. Titulaire d’un master postgrade en administration des affaires, il est également diplômé en sciences sociales de l’Université de Fribourg. Hunn cumule dix-sept ans d’expérience dans le secteur Medtech et les domaines apparentés. Outre son engagement dans des groupes internationaux de technologie médicale comme Sonova, il a également acquis une solide expérience dans des start-up du secteur, notamment Dentalpoint, dont il a dirigé avec succès la stratégie de croissance en tant que CEO. L’association Swiss Medtech représente plus de 800 entreprises de technologie médicale en Suisse.
Qu’attendez-vous maintenant de la politique suisse? Nous attendons du gouvernement qu’il poursuive avec détermination la voie qu’il a choisie. À mon avis, le Conseil fédéral a jusqu’ici accompli un excellent travail: il met en avant la valeur économique et politique de la Suisse et mène des négociations commerciales diplomatiques sur un pied d’égalité. L’objectif reste le retrait des droits de douane menaçants. Dans une économie mondiale en pleine réorganisation, ceux qui tireront leur épingle du jeu seront ceux qui négocient de manière stratégique, crédible et courageuse – à l’image de la Suisse aujourd’hui.
Plusieurs entreprises suisses investissent actuellement massivement sur le marché américain – par exemple Ypsomed avec 250 millions de francs. S’agit-il d’une décision purement économique ou également d’un signal politique? Il s’agit avant tout d’un engagement économique. Les États-Unis constituent un marché extrêmement attractif pour de nombreuses entreprises suisses: un système de santé important, ouvert à l’innovation et avec une forte demande en technologies médicales. Ces investissements sont motivés par des considérations stratégiques – comme la proximité avec les clients, l’accélération des procédures réglementaires ou la diversification des chaînes d’approvisionnement. Il est erroné de croire que cela se fait du jour au lendemain – de telles décisions nécessitent des années de préparation.
«De nombreuses innovations ne sont mises sur le marché en Suisse qu'avec un retard de 5 à 7 ans – quand elles le sont.»
La Suisse étudie une procédure d’autorisation simplifiée pour les produits certifiés par la FDA. Qu’en attendez-vous? C’est une mesure cruciale – tant pour la sécurité de l’approvisionnement que pour la capacité d’innovation. Depuis des années, l’approvisionnement des hôpitaux suisses est tendu. De nombreuses innovations n’y sont introduites qu’avec un retard de 5 à 7 ans – quand elles le sont. Ce qui est absurde: certains de ces produits ont été développés et fabriqués en Suisse. Il est donc urgent d’agir.
Cette initiative arrive-t-elle au bon moment, compte tenu des développements politiques avec les États-Unis? Absolument. La politique douanière américaine crée un momentum stratégique. Les États-Unis ont intérêt à positionner leurs produits de manière systématique sur un marché européen. La Suisse doit saisir cette opportunité – pour garantir la prise en charge des patients et renforcer le secteur Medtech.
Que faut-il concrètement pour que la mise en œuvre de la nouvelle procédure d’autorisation aboutisse rapidement? La bonne volonté des autorités compétentes. Cela ira vite si l’adaptation se fait par voie d’ordonnance – et non au terme d’une longue procédure législative. Et ce sera efficace si l’on s’appuie sur les évaluations déjà réalisées par la FDA au lieu de tout recontrôler. C’est précisément l’objectif d’une procédure simplifiée.
Les critiques y voient un risque pour la sécurité. Comment Swiss Medtech répond-elle à ces préoccupations? La FDA compte parmi les autorités de régulation les plus strictes au monde. Quiconque y obtient une autorisation, répond aussi aux exigences suisses. Le 30 avril, le Conseil fédéral a d’ailleurs confirmé qu’une procédure simplifiée était suffisante pour les produits éprouvés. En outre, les États-Unis sont le plus grand marché mondial des technologies médicales – leur niveau de sécurité est comparable à celui de l’UE.
«La Suisse doit tout mettre en œuvre pour offrir à ses entreprises un environnement compétitif.»
Dans quelle mesure une reconnaissance par la FDA renforce-t-elle également la Suisse en tant que berceau du développement des technologies médicales? Elle réduit le temps nécessaire pour que les nouvelles technologies soient mises à la disposition des patients. Cela améliore l'approvisionnement et rend la Suisse plus attrayante pour les entreprises innovantes. Celles qui dépendent de processus efficaces – notamment les PME – en profitent énormément. Le message est clair: nous voulons permettre une technologie médicale sûre et de haute qualité – et non pas l'empêcher.
Et comment la Suisse peut-elle en même temps renforcer ses relations avec l'UE? L'un n'exclut pas l'autre, bien au contraire. La diversification nous rend plus résistants. Nous avons besoin de bonnes relations avec tous les marchés importants. Par exemple: l'accord de libre-échange avec l'Inde réduit considérablement les droits de douane sur les produits de technologie médicale. Nous devons maintenant le ratifier rapidement. Et il faut également aller de l'avant avec le Mercosur, la Chine – et le paquet de stabilisation des Bilatérales.
Un autre sujet suscite toutefois des critiques: les points de vente étrangers peuvent certes vendre des produits LiMA en Suisse, mais ceux-ci n'étaient jusqu'à présent pas remboursés. Le Conseil fédéral propose maintenant que l'assurance maladie obligatoire (AOS) prenne en charge à l'avenir les coûts de certains dispositifs médicaux que les assurés achètent à titre privé dans l'Espace économique européen. Quels sont les arguments contre cette proposition? La sécurité des patients pourrait ainsi être mise en péril. En Suisse, les centres de distribution sont soumis à des exigences strictes, qui garantissent la qualité et la sécurité et sont réglées par contrat avec les assureurs. Il n'est guère possible d'imposer ces exigences à l'étranger – les dépenses seraient importantes et l'utilité douteuse.
Le Conseil fédéral promet des économies. Pourquoi êtes-vous sceptique? Parce que l'hypothèse selon laquelle les technologies sont généralement moins chères à l'étranger n'est pas tenable. C'est même souvent le contraire qui est vrai. De plus, la concurrence règne en Suisse, il y a des différences de prix entre les points de distribution. Il serait difficile pour les patients de comparer les prix – ils risqueraient de rester à la charge du patient.
Serait-il compliqué de mettre en œuvre des normes de qualité uniformes au-delà des frontières? Ce n'est guère faisable. En Suisse, des contrats individuels avec les assureurs règlent les obligations des centres de distribution – par exemple le conseil, la facturation, la transparence. C'est déjà complexe sur le plan administratif au niveau national. À l'échelle de l'EEE, cela devient presque impossible.
Que faut-il au niveau politique pour garantir à long terme l'approvisionnement en dispositifs médicaux critiques? La Suisse devrait reconnaître le plus rapidement possible – par voie d'ordonnance – les produits homologués par la FDA. Cela créerait une marge de manœuvre dans l'approvisionnement et renforcerait la résilience des chaînes d'approvisionnement.
Que doit faire la Suisse pour rester un site Medtech attractif malgré les incertitudes mondiales? Se concentrer sur ses points forts: des conditions-cadres stables, des impôts compétitifs, une réglementation compatible au niveau international. L'accès aux marchés importants – et une rémunération équitable des produits innovants – sont décisifs.
Et pour finir: que souhaitez-vous personnellement de la législature en cours? Moins de bureaucratie, plus de liberté d'entreprise. La concurrence internationale est brutale. La Suisse doit tout mettre en œuvre pour offrir à ses entreprises un environnement compétitif.
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